Approche générale pour le recours au « Médiarbitrage » de la CIMEDA

Rédigé par Maître Cyrille JOHANET

Avocat à la Cour  –  Membre Fondateur d’ANACOFI  –  Professeur de droit et tuteur

Contexte général :

Les conditions de traitement des litiges par les tribunaux étatiques présentent cinq inconvénients importants.
1. La durée moyenne des procédures

Celle-ci doit s’analyser en tenant compte de la durée moyenne d’une procédure devant le tribunal de commerce ou de grande instance, et devant la cour d’appel.

Il convient, en effet, de rappeler qu’une sentence arbitrale a la même valeur judiciaire qu’un arrêt de cour d’appel,  par conséquent il convient de comparer les délais de production d’un arrêt d’appel et les délais de production de la sentence arbitrale.

À ce sujet les statistiques disponibles établies en jours mettent en évidence que « pour les affaires terminées par un arrêt, le délai est passé à 457 en 2009 (hausse de 0,8 % par rapport à 2008) avant de retrouver en 2010 la même durée qu’en 2008, soit 453) (1). En 2013, la durée a été portée à environ 504 jours. (4)

En cas de recours à un expert judiciaire, la procédure est en moyenne prolongée de 20,2 mois (en matière de construction) (2).

En comparaison, le délai maximum de 6 mois de la Cour Internationale de Médiation et d’Arbitrage répond parfaitement aux attentes des parties au litige.

2. Le coût moyen de recours aux tribunaux étatiques

À ce sujet convient de rappeler que ce coût est  composé  de divers frais tels que la rémunération des  auxiliaires de justice,  huissiers, avocats.

S’agissant des avocats, le budget  est à considérer par partie. C’est-à-dire que chaque partie supporte des frais d’avocat pour le suivi de la procédure pour son compte,  d’autre part, ce budget d’avocat pèse sur chacune des parties (minimum deux mais souvent plus : assureur, tiers, etc…) ce, tant pour la procédure de première instance que pour la procédure devant la cour d’appel.

Concernant la cour d’appel, il faut observer que, quand bien même, la profession d’avoué  a été supprimée, Il demeure une pratique consistant à ce que  les avocats ne souhaitant pas exécuter eux-mêmes les actes de procédure devant la cour d’appel, ont recours à d’anciens avoués, eux-mêmes avocats,  ce qui provoque une facturation supplémentaire.

A défaut de statistiques réellement utilisables, le coût par partie d’une procédure civile se poursuivant en appel, par partie est évaluable, en se référant au temps passé moyen et au tarif horaire courant (180 euros / heure), soit par partie un minimum de 6000 euros.

En cas d’expertise, un complément minimum de 5000 euros est à prévoir.

Si l’on cumule la charge des deux parties, nous arrivons à un budget minimum de l’ordre de 20000 euros (et nettement plus pour des affaires importantes ou opposant plus de deux parties).

Comparé aux barèmes de la Chambre, nous voyons un écart important.

3. L’aléa judiciaire

Ce terme désigne les imprévus provoqués par une procédure devant des tribunaux étatiques. Devant ces tribunaux, les conditions d’échange des arguments et des pièces ne sont pas encore entièrement interactifs.

En cette matière, « l’interactivité » désigne un dialogue informel entre le juge et les parties, si bien que ces dernières participent activement à la définition  des points que le juge est invité à trancher et à l’identification des questions qui se posent dans son esprit pour mettre un terme au litige.

Or dans nombre de cas, cette interactivité est inexistante en procédure devant les tribunaux étatiques : les avocats déposent des dossiers sans plaider,  le code de procédure civile est mal adapté à l’hypothèse du juge qui suscite de la part des parties des explications nouvelles à la lumière du débat.

Certaines procédures sont orales et se prêtent mieux à cette hypothèse (par exemple devant les tribunaux de commerce) mais d’autres sont écrites et s’y prêtent mal : par exemple les procédures devant les tribunaux de grande instance, or ces derniers sont les tribunaux compétents pour les litiges d’un quantum important et interviennent souvent en matière immobilière.

Quant aux tribunaux de commerce, on observe des critiques sérieuses touchant à des domaines essentiels (telles que la qualité de leurs prestations, leur impartialité, etc…) (3)

La procédure de la Chambre, impliquant une étude psychologique approfondie de la position des parties sur les litiges qui demeurent,  élimine par définition  l’hypothèse d’une compréhension partielle de la position des parties par le juge et permet que ce dernier réinterroge librement les parties  afin de lever toute ambiguïté sur  leurs moyens en fait et en droit.

4. La charge psychologique de la procédure

Dans une procédure étatique, il existe un demandeur  explicitant des moyens, en fait et en droit, et un défendeur dont la logique en procédure  vise à rechercher les vices techniques dans la demande et à contester, par définition, la position du demandeur.

Un indice de ce que la procédure étatique est mal adaptée  au traitement “dépassionné”  d’un conflit  se trouve dans le recours rarissime à la requête conjointe.

Le code de procédure civile prévoit en effet que deux parties en litige  peuvent soumettre leur différend au juge,  non par la voie de l’assignation de l’une contre l’autre,  mais pas la rédaction d’un acte commun explicitant leurs dissentiments et la demande que le juge le tranche.

Or cette voie est très rarement utilisée. Par conséquent les parties sont dès l’origine placées non dans un rapport de collaboration pour solutionner leur litige, mais dans un rapport d’attaquant à attaqué.

Indépendamment de toute  allusion à la durée de la procédure étatique ou à son coût, cette circonstance fait peser sur les parties  la charge d’un contexte conflictuel.

Le recours à la procédure de la Chambre II de la CIMEDA, surtout en ce qu’elle intègre un processus de tentative de médiation, installe les parties en litige dans un rapport de collaboration pour solutionner leur litige, et en tout état de cause dans un esprit de limitation de la durée technique du conflit.

5. La moindre association du client à la solution du litige

Le recours à une procédure étatique laisse le client beaucoup moins bien informé des détails de traitement du litige :

Il est difficile de comprendre les termes techniques employés par les avocats et la juridiction (greffe, juge, etc…), et ceux-ci ne sont pas systématiquement expliqués au justiciable, en revanche un processus de médiation implique nécessairement un système de révélation au client des causes et des conséquences du conflit, tant pour lui que pour le ou les parties adverses.

Le traitement du litige par la voie étatique peut se dérouler sans analyse psychologique et factuelle de la cause du conflit.

Des éléments de défense peuvent être ignorés par le juge (puisqu’il ne statue que sur les demandes qui lui sont faites) ou par l’avocat (qui interroge son client, mais sans mettre en œuvre un processus systématique et neutre d’analyse de l’origine du conflit, puisqu’il a en charge les intérêts directs de son seul client).

La procédure devant la Cour Internationale de Médiation et d’Arbitrage dans sa phase de Médiation ne peut se tenir en l’absence des parties, cela a pour effet que le traitement du litige les implique et qu’ils ne sont donc pas tenus à l’écart des détails de ce traitement.

L’action de conseil des avocats se fait en présence des parties, ces dernières sont donc mises en mesure d’intervenir directement dans la rédaction du protocole de médiation, base essentielle de la sentence arbitrale, ce dans un contexte dévolu à la recherche d’une solution au litige.

Pièces correspondant aux renvois (Ces sources sont publiées sur internet)

1 – Observations générales sur la statistique de la Cour de cassation de l’année 2010
2 – Rapport de Mars 2011 de la commission de réflexion sur l’expertise installée par la chancellerie française par lettres de mission du 25 mai 2010
3 – Inspection générale Rapport d’enquête – Rapport d’enquête sur l’organisation et le fonctionnement des tribunaux de commerce (inspection générale des Finances – 98-M-019-01)
4 – Ministère de la Justice. Secrétariat général, Service support et moyens du ministère. Sous-direction de la Statistique et des Études : « Les chiffres clés de la Justice 2013 »